Les Chroniques du Menteur
Accueil du site > Malbouffe > British beef

British beef

vendredi 22 janvier 1999, par Pierre Lazuly

J’ignorais que ce sujet vous passionnait à ce point ! Ma récente chronique sur les vaches hystériques m’a valu, c’est le cas de le dire, vachement de courriers, de lecteurs inquiets et de lecteurs blasés. Notamment en provenance d’Angleterre, d’où l’on m’apprend que la viande la plus recherchée est précisément celle qui peut se targuer d’être estampillée « British Beef ». Ça défie sans doute les lois de la raison, mais le chauvinisme obéit apparemment à sa propre logique.

Cela étant, si le nombre de cas de vaches folles recensées en Angleterre est infiniment supérieur à notre décevant palmarès, il n’est pas sûr qu’il faille s’en féliciter. Étant données les périodes d’incubation, le pire peut être à la fois derrière eux et devant nous, et la « British Beef » être désormais plus sûre que la Viande Française ; lorsque les vaches francophones chanteront en choeur le samedi soir avec Arthur, il sera grand temps d’arrêter les steaks.

« Ce n’est pas si grave, en fait », ironise Michel, « puisque les vaches concernées sont des animaux dits de « réforme », c’est-à-dire des vaches laitières recyclées en vaches à steaks, dont la viande est de moins bonne qualité que celle des Charolais. Seuls les consommateurs les plus pauvres peuvent donc en être victimes... ». Et avec eux les habitués de la restauration rapide et des restos d’entreprise. « Et en ce qui concerne le lait », précise Michel, « j’ai lu dans un article de l’INRA que rien ne permettait pour l’instant de mettre le lait hors de cause en ce qui concerne la transmission du fameux prion. Mais chut !, les excédents de lait sont déjà énormes... ».

Fin du chapitre agriculture... mais restons si vous le voulez bien en Angleterre. Un pays où une ex-Prime Minister se démène corps et bien pour libérer un ancien tortionnaire (présumé, certes, mais comme seul un Roland Dumas pourrait l’être sans en être inquiété). Un pays où la modernité fait rage ; sous forme de pauvreté, bien souvent. (Tel est en effet le principal visage de la modernité lorsqu’il n’y a pas la télé).

Certes, il leur reste encore ce merveilleux échappatoire que constitue toujours la religion. Rien n’incite plus à la religion que la pauvreté ; « et c’est ainsi qu’Allah est grand », aurait même ajouté Vialatte. Hélas ! les Britanniques délaissent même leur église. Ils ne croient plus vraiment en Dieu. Eux, ce n’est pas d’un Dieu qui crée des emplois dont ils auraient besoin, mais d’un Dieu qui accepte de payer correctement ses larbins.

Dieu, lui, s’en fout éperdument. Il a créé Tatcher à son image. Pour voir ce que ça donnerait. Il aurait même - peut-être pour se racheter - créé le petit Jésus à l’image du Che. C’est du moins ce que l’on apprenait dans Le Monde la semaine dernière. Une affiche rouge et noire, inspirée du plus célèbre cliché du révolutionnaire marxiste argentin, défraie la chronique outre-Manche : concoctée par l’Agence de Publicité des Eglises afin de ramener leurs ouailles dans les chapelles, « elle représente un Jésus inédit, regard noir et dur, barbe drue et mâchoires d’acier, bien éloigné des portraits lisses et sans saveur traditionnellement en vigueur dans les paroisses ».

Si Chas Bayfield, « le créatif branché » qui a gracieusement imaginé l’affiche, se dit fier de son oeuvre, il a néanmoins déclenché une belle polémique. Le révérend Tom Ambrose craint notamment que le message subliminal de cette affiche rouge « risque de créer chez les ouailles l’attente d’un changement radical qu’ils ne trouveront peut-être pas dans leurs églises locales ». Il est vrai que la légende de l’affiche est assez révolutionnaire : « Humble et doux ? Allons donc ! Découvrez le vrai Jésus. Eglise, le 4 avril ».

Après tout, que Jésus ait l’apparence du Che, de Bill Clinton (la crucifixion pourrait alors remplacer avantageusement la destitution) ou même de Paul Préboist, cela n’a aucune espèce d’importance. Mais d’apprendre que l’Eglise dispose désormais de sa propre Agence de Publicité chargée de rameuter ses ouailles me remplit d’allégresse. L’Eglise commencerait-elle enfin à devenir moderne ? « Mon Jésus à moi est plus malin que le tien ».

Et c’est ainsi qu’Allah est grand.

PIERRE LAZULY
Accueil | SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0 | Quitter