Les Chroniques du Menteur
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Le bonheur au foyer

(chronique de l’enseignement ménager)

lundi 12 mars 2001, par Pierre Lazuly

« En dehors d’une vocation qui reste le privilège d’un petit nombre, la jeune fille est appelée à fonder un foyer dont la sécurité et le bonheur reposeront en grande partie sur elle. [...] Nous ne parlerons donc ici que de la vocation au mariage, puisque telle est la vocation commune des ménagères », écrivait, en 1931, la directrice d’une école ménagère dans un manuel intitulé « Le Bonheur au Foyer » - manuel découvert la semaine dernière (le jour même de la Journée internationale des femmes) dans la bibliothèque d’un vieux chalet savoyard.

« Il faut donc envisager le mariage comme l’événement capital de votre vie », continuait notre imprécatrice. « Après avoir prié, réfléchi, vous devez vous ouvrir franchement à vos parents et à ceux qui ont la charge de votre âme. Autant que vous, ils veulent votre bonheur. Vous êtes trop bien élevées et trop délicates pour qu’il soit nécessaire d’ajouter : n’amorcez, n’entretenez aucune liaison à l’insu de vos parents. »

« Quelles dispositions, quels avantages devez-vous chercher en celui qui partagera votre vie ? Trois avantages avant tout autre : la religion, l’honorabilité, la situation. ». Et gare à celles qui envisageraient de s’enamourer d’un hérétique : « L’Eglise interdit les mariages mixtes, ou mariages entre catholiques et protestants, et cela, pour éviter au conjoint catholique le danger de perversion. De telles unions sont un péril pour l’éducation des enfants, et souvent elles amènent les esprits à penser que toutes les religions sont bonnes, sans faire de différence entre la vérité et l’erreur. »

« [Ce manuel], présenté aujourd’hui aux jeunes ménagères, a été inspiré tout d’abord par le désir ardent de leur faire envisager leur rôle au point de vue chrétien, et de leur en montrer toute la beauté. Il les aidera à accomplir le mieux possible les mille détails quotidiens de la tâche assignée à chacune d’elle par la Providence. [...] Comme la Femme forte de nos Saints Livres, elle se lève avant le jour et ne mange pas son pain dans l’oisiveté. Ce lui est plaisir, non moins qu’un devoir, de mettre la main à l’ouvrage : toute besogne l’intéresse. Occupée tour à tour à la cuisine, aux soins d’intérieur, voire même à la lessive, au jardin, à la basse-cour, partout elle exerce une attention vigilante. Aussi sa vie est-elle féconde, sanctifiante. »

« Toujours la première au devoir, elle obtient des siens qu’ils fassent ce qu’ils doivent faire, qu’ils soient ce qu’ils doivent être, et au besoin, se sacrifie sans le montrer. Voulez-vous, jeunes filles, réaliser cet idéal, prenez pour modèle et protectrice la femme bénie entre toutes, l’humble Vierge Marie. Soyez, comme elle, parée de pureté, de délicatesse, d’esprit de dévouement, modestes et graves, sans raideur, aimables toujours ; et vous serez, comme elle, dans sa maison de Nazareth, vouées tout entières à votre mission d’épouses et de mères. [...] Puissent nos jeunes filles, l’espoir de demain, tendre de plus en plus vers un tel idéal à réaliser sous le regard de Dieu ? »

Et malheur à celles qui s’éloigneraient de ce modèle : elles seraient les premières responsables de l’alcoolisme de leur mari. « L’alcoolisme, grand fléau de nos temps modernes, est surtout l’ennemi de la famille qu’il ruine au triple point de vue physique, moral et matériel. Son intoxication prédispose à toutes les maladies : ruine non seulement de la vitalité de l’individu, mais dégénérescence de la race. [...] Mais il faut bien le reconnaître, la femme est parfois l’artisan de son malheur. Ménagère indolente et incapable, elle ignore l’art et la manière de retenir son mari au foyer. Après un labeur incessant à l’atelier, au bureau ou aux champs, le père de famille attend un accueil qui le délasse et le réconforte. Mais s’il ne trouve au logis qu’une table mal servie, des enfants malpropres, une femme à la tenue repoussante, d’humeur maussade, il est pris de dégoût et s’en va chercher ailleurs quelque distraction. »

La femme, elle, n’a pas besoin de distractions : « Les paysans trouvent dans le travail des champs un exercice sain et réparateur. Les intellectuels, les petits artisans qui vivent sans grand mouvement dans un air confiné, ont besoin de faire des promenades, à la campagne surtout. Pour la ménagère, l’exercice le plus favorable est celui imposé par ses multiples occupations qui remplacent avantageusement tous les sports à la mode. » Et n’en déplaise aux magazines féminins, pour trouver le bonheur, il suffit de savoir goûter les infinis plaisirs de la vaisselle : « Avoir du bon sens, c’est avoir le sens des réalités, c’est apprécier des choses à leur valeur, ne point nourrir de rêves impossibles, et comprendre que la vie n’est pas une fête perpétuelle, mais une succession de devoirs et de sacrifices dont l’accomplissement généreux peut seul donner le bonheur véritable. »

« Un dernier conseil, très important : ne lisez pas de romans, ou du moins, n’en abusez pas. Aucun ne favorise le bon sens ; tous contribuent plus ou moins à fausser le jugement de la jeune fille. Ils emportent au pays des rêves et non à celui des réalités parmi lesquelles vous devrez vivre. Ils ne feront donc que vous tromper. Adonnez-vous, au contraire, à la lecture des livres qui vous instruisent de vos devoirs présents et futurs, et vous préparent à l’accomplissement de la belle et grande mission qui est la vôtre. »

À l’heure où s’instruit bruyamment le procès de mai 68, il n’est pas inutile de « revisiter » ce que l’on donnait alors à lire à nos grand-mères, voire à nos mères. Modeste contribution à la série des écrits « passés inaperçus hier, insoutenables aujourd’hui »...

PIERRE LAZULY
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