Les Chroniques du Menteur
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Petite leçon de gestion

lundi 15 février 1999, par Pierre Lazuly

La crise financière en Asie et au Brésil a eu des conséquences négatives pour le géant néerlandais de l’électronique Philips, apprenait-on jeudi dernier : les bénéfices provenant de son activité principale ont chuté de près de 60% au cours de l’année 1998. « Pauvres actionnaires ! », songeai-je en parcourant la dépêche, « eux qui ont eu le courage d’investir dans une entreprise dynamique, les voilà bien récompensés ! ». Car avec une telle chute des bénéfices, leurs dividendes allaient être sérieusement amputés.

Pensez donc : au 4ème trimestre de l’année dernière, le groupe a essuyé une perte nette d’exploitation de 300 millions d’euros et un résultat d’exploitation en déficit de 387 millions d’euros. Bref, ils n’ont quasiment rien vendu ; l’actionnaire allait être déçu.

C’était compter sans l’ingéniosité des gestionnaires, ingéniosité d’autant plus grande que leur portefeuille de stock-options les incite particulièrement à bichonner le cours de l’action. Les actionnaires ont ainsi eu l’agréable surprise de constater que leurs dividendes avaient eu la bonne idée de doubler. Le dividende s’établissait en effet pour 1998 à 17 euros, contre moins de 8 euros par action un an auparavant.

Comment expliquer cette hausse spectaculaire ? Un jeu d’enfant. Il suffisait de se séparer de quelques morceaux d’entreprise, en l’occurence de vendre la firme d’édition musicale PolyGram et quelques autres filiales. Ce qui permet à Philips, malgré la faiblesse de ses ventes, de présenter un profit net de 6 milliards d’euros.

Rien de bien exceptionnel, au fond : Alcatel, notamment, s’y était déjà employée. Comment voudriez-vous verser 15% de dividendes aux actionnaires sans vendre aux enchères quelques bouts d’entreprise, sans sacrifier quelques milliers de salariés ?

La bonne volonté de ses gestionnaires n’avait pourtant pas empêchée Alcatel d’être lâchement abandonnée par ces mêmes actionnaires, à peine leur avait-elle versé le dividende record correspondant à la filiale sacrifiée sur l’autel de la rentabilité. Que voulez-vous, il n’y avait plus rien à vendre. Plus de débouchés sur les marchés. Plus de filiales à bazarder. Plus de branches à externaliser. Plus de meubles à emporter pour se dédommager. Restait plus que des employés. C’était le moment idéal pour vendre. Le rendement avait été maximum, l’investisseur était satisfait.

PIERRE LAZULY
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