Bill Clinton chante Brassens

Une chanson inédite,
d'après « Les trompettes de la renommée »
de Georges Brassens.

Je vivais en plein coeur de la place publique,
Vénal, ambitieux, puissant mais sympathique,
Accordant mes faveurs à l'abri des regards,
J'étais un homme heureux, et j'écrivais l'histoire
La justice à scandale a su me faire comprendre
Qu'aux ligues de vertu j'avais des comptes à rendre
Et que sous peine de choir, victime d'un décret,
J'devais éloigner Starr de mes petits secrets.

REFRAIN
Trompettes de la renommée,
Vous êtes bien mal embouchées

Manquant à la pudeur la plus élémentaire
Dois-je pour les besoins d'la cause judiciaire
Divulguer avec qui et dans quelle position
Je plonge dans le stupre et la fornication ?
Si je publie les noms combien donc de mormonnes
Me prendront illico pour le diable en personne ?
Combien de puritains me regarderont de travers,
Combien de procureurs voudront me mettre à terre ?

« A chaque exhibition ta carrière s'enlise »
C'est c'qu'avait dit Paula après l'effet d'surprise
Pour ménager un peu les dévots et les soeurs
Je cach' depuis mes organes procréateurs
Dois-je pour éviter le bruit et le scandale
Ne jamais les sortir hors d'une union légale ?
Dois-je les dissimuler, en tout lieu, en tout temps
Comme un coureur cycliste cache ses produits dopants ?

Une jeune stagiaire qui à l'heure de la messe
Préférait s'agenouiller pour me tâter les fesses
M'a sournoisement laissé, un beau jour, sur les bras,
Une affaire des plus embêtantes qui soient.
Sous prétexte de secret, de vertu d'pacotille
Ai-je le droit de ternir l'honneur de cette fille
En déclarant à Starr, et dans tous les journaux
Qu'elle n'est pas plus bandante qu'un sourire de crapaud ?

Le seul qui m'comprenait, qu'était d'la même engeance,
C'était le père François, le monarqu' de la France,
Là-bas on peut tout dire, sans crainte de procès,
Il faut plus qu'une liaison pour choquer les Français.
C'est le pays rêvé pour avoir des maîtresses,
Personne ne se soucie de vos histoires de fesses
Votr' enfant naturel aura droit cependant
Aux honneurs de la presse s'il commet un roman.

Quelle sera la nation qui r'cevra des cartouches
Pour éloigner un peu la déesse aux cent bouches
Faudra-t-il que j'envoie mes soldats, mes avions
Demander à Saddam d'attirer l'attention ?
Pour taire les rumeurs et rapp'ler mon pouvoir
Qui est-ce qui veut me prêter un bout de territoire ?
Qui est-ce qui veut me laisser, en héros planétaire
Aller faire la guerre au chaud dans son désert ?

Sonneraient-elles moins fort ces satanées trompettes,
Si comme tout un chacun j'étais un peu tapette
Si j'avais remplacé Monica par Tommy
Qu'au lieu de fellation on parle de sodomie ?
Mais je ne sache pas qu'ça profite à ces drôles
De jouer le jeu de l'amour en inversant les rôles
Qu'on accorde à ceux-là facilement le pardon
Pour l'opinion publique ce n'est pas la question.

Après c'tour d'horizon des mille et une recettes
Pour tenter d'échapper aux honneurs des gazettes
J'aime mieux m'en tenir à ma première facon
Et lancer des missiles pour faire diversion
Si les médias jouent l'jeu, je les sors dare-dare,
Si l'opinion s'émeut, je les range au placard
Entre le déshonneur et les compromissions,
Je quitterai l'Histoire pour une fellation.

© Les Chroniques du Menteur, 1999
E-mail : Pierre Lazuly
http://menteur.com