Le sémillant patron de la Générale des Eaux annonce le regroupement des activités Internet de AOL, Cegetel, Canal+ et Compuserve. Les abonnés de Havas On Line se retrouvent ainsi transférés vers « AOL par Cegetel », l’offre grand public de la nouvelle alliance, qui devrait compter dès son lancement plus de 250.000 abonnés et s’affirmer ainsi comme le premier fournisseur d’accès Internet en France. Il y a fort à parier que France Telecom annonce également un regroupement de ce genre. Il serait en effet logique qu’un « industriel de contenu », disons Hachette, vienne renforcer l’offre de contenu de Wanadoo et qu’un autre fournisseur d’accès, disons Club-Internet, se fasse gentiment absorber.
Que des opérateurs télécom se regroupent ou se trucident pour attirer le plus grand nombre d’abonnés, c’est de bonne guerre et, à vrai dire, ça ne me dérange pas trop : il ne s’agit là que de location de tuyaux, de quincaillerie numérique. Ce qui me chiffonne, c’est surtout le partenariat avec tel ou tel « industriel de contenu ».
Ca doit être mon côté naïf, mais pour moi, le rôle d’un fournisseur d’accès est d’offrir un accès confortable à l’ensemble du Web. Les accords récents et à venir avec les producteurs de contenu partent d’un constat : que l’internaute bien guidé, notamment par une page d’accueil personnalisée chez son prestataire, ne verra d’Internet que l’information fournie par le partenaire de contenu et visitera essentiellement les sites partenaires. Un peu comme si Renault vous imposait de rouler en Franche-Comté et Peugeot en Normandie. Pour peu que le paysage y soit suffisamment changeant, l’essentiel des automobilistes s’y cantonnera sagement.
Ainsi seront les autoroutes de la consommation : le péage AOL, ou le péage Wanadoo, qui vous ouvrira l’accès à un gentil tronçon terriblement multimédia mais horriblement creux, dont la seule vocation sera de vous faire consommer les produits de ses gentils partenaires.
Mais au bord de ces autoroutes, regardez bien, il y a ces gens qui vous sourient. Ils ne vous vendent rien. Ils sont là, sur leurs chemins de traverse, comme d’improbables écologistes de l’information. Ils veulent simplement vous parler. Parler pour ne rien vendre, quelle archaïsme, quel gâchis !
