Les Chroniques du Menteur
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Internet pour tous

mercredi 16 décembre 1998, par Pierre Lazuly

Vous n’êtes pas sans savoir, pour peu que vous prêtiez attention aux informations télévisées ou aux déclarations enthousiastes de certains ministres un peu niais, vous n’êtes pas sans savoir, disais-je, qu’Internet rend intelligent. Aussi sûrement que le téléphone mobile rend libre et qu’une voiture neuve permet de séduire rapidement des tas de top-models dénudées.

Internet rend intelligent, donc, la chose est acquise. Claude Allègre nous le confirme. Hélas, Internet coûte cher. Comment relier chaque école aux autoroutes de l’information ? Certes, on peut toujours équiper un brave PC dans chaque lycée, ce qui permet au proviseur de se gargariser à moindre frais et au ministre d’annoncer quelque 80% d’établissements reliés à Internet.

Mais ne nous leurrons pas : ces artifices ne suffiront pas à combler le fameux « retard français » et à permettre à chaque bambin de surfer. Heureusement, les américains sont là pour nous aider. Ils nous incitent à innover. L’avenir du service public, c’est la publicité ; l’avenir de l’éducation, c’est de l’externaliser.

A Los Angeles, rapporte l’AFP, une entreprise finance désormais l’accès Internet des écoles grâce à la publicité. ZapMe Corporation offre en effet gratuitement un système complet de connection à Internet, composé de quinze ordinateurs dernier cri et d’une liaison satellitaire. ZapMe demande simplement que le laboratoire soit utilisé un minimum de quatre heures par jour par l’école. Ce temps garantissant l’exposition des étudiants à la publicité finançant l’opération dans un coin de l’écran.

Les annonces pour l’alcool et le tabac sont exclues d’avance. Une commission composée d’annonceurs et d’enseignants « se charge d’encourager les entreprises à livrer des messages publicitaires à but éducatif (sic) », souligne Frank Vigil, président de ZapMe.

Près de 9.000 écoles auraient déjà déposé une demande. Ce qui montre l’importance du besoin. Huit établissements scolaires sur dix sont en effet, comme en France, connectés « d’une façon ou d’une autre » à Internet selon le gouvernement. Mais seulement 15% offrent à leurs élèves des connections individuelles au sein d’un laboratoire informatique. Et le programme fédéral de subventions, E-rate, est en suspens depuis son adoption il y a deux ans pour causes de restrictions budgétaires.

La présence de la publicité sur les campus remonte à l’installation de distributeurs de boissons et de friandises. Récemment certains districts scolaires sont entrés dans des accords exclusifs avec des fournisseurs de pizzas ou de boissons gazeuses. Non sans excès parfois, comme en Georgie où deux étudiants ont été expulsés d’une école lors de la « journée d’éducation Coke » : ils portaient des tee shirts du concurrent Pepsi.

La compagnie ChannelOne avait déjà ouvert la voie en fournissant, en moins de 10 ans, téléviseurs et magnétoscopes à plus de 12.000 écoles et huit millions de jeunes en échange de leur attention quotidienne à douze minutes d’un programme d’information comportant une bonne dose de publicités et messages promotionnels.

Je vous souhaite le bonjour.
Un enfant éduqué par Pepsi est un enfant réussi.

PIERRE LAZULY
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