Les Chroniques du Menteur
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La richesse des marges

mardi 22 septembre 1998, par Pierre Lazuly

« Le centre est le lieu où les choses se passent, la périphérie ne connaît pas l’événement. Le centre accumule les biens, la périphérie cumule les tares. Le centre est la tentation de tous les pouvoirs, la périphérie ne tente personne ». Les premières pages du webzine Périphéries sonnent comme un manifeste : Mona Chollet et Thomas Lemahieu ont cette volonté, rare, d’« explorer la richesse des marges, maquis de la pensée ou banlieues physiques », à l’heure où les autres se concentrent, synchrones, sur le non-événement.

Périphéries est un lieu de rencontres, de hasard. Vous y croiserez peut-être Robert Guédiguian, Pasolini, Jacopo Fo. Sans « plan média ». Quand, autour de nous, la culture n’est plus qu’« évènement tantatandu » et « nouveauté incontournable », Périphéries vient nous rappeler qu’elle doit être avant tout atemporelle, faite de passions et d’envies.

Last but not least, la rubrique Guillemets (« des paroles qui nous ont parlé »), excellent recueil de citations dont voici un extrait :

« L’un de mes rêves secrets, je l’avoue, serait de m’introduire un jour à la télévision, m’asseoir à la place du speaker et donner les nouvelles en grammelot [imitation, sans contenu, des sonorités d’une langue] pendant toute l’émission. Je parie que personne ne s’en apercevrait »
(Dario Fo, « Le gai savoir de l’acteur »)

« Engranger l’insignifiant dans la mémoire des résignés »
(Le rôle des médias défini par Raoul Vaneigem, « Nous qui désirons sans fin »)

« Clichés, métaphores usées jusqu’à la corde, paresse d’écriture, sont des manifestations du délabrement de la langue. Il en résulte que l’esprit s’engourdit, et que la langue, comparable à la musique de fond d’un supermarché, amollit le cerveau et l’amène en douceur à l’acceptation passive d’idées et de sentiments qu’il n’a pas acceptés »
(Edward W. Saïd résumant l’essai de George Orwell, « La Politique et la Langue anglaise », in « Des intellectuels et du pouvoir »)



LE POIDS DES MOTS

Paris-Match est désormais disponible sur le Web (je ne sais plus où, d’ailleurs). C’est évidemment très racoleur mais, à bien y regarder, c’est certainement plus sain qu’une mauvaise vidéo sur CNN.

« Pendant leurs brefs rendez-vous clandestins, il oublie un instant les problèmes du monde contre sa poitrine aux rondeurs généreuses. Mettez-vous à sa place : certains jours, il avait l’impression que sa tête allait exploser ! Monica est sa récréation. Son oxygène. Il aime sa bouche gourmande, sa peau laiteuse et nacrée, son rire, sa sensualité. Elle est pulpeuse, frétillante, pétillante. Elle se donne légèrement.

Le vrai problème de Monica, c’est son physique. Son poids, c’est comme le Dow Jones, il monte et il descend. Elle en fait toujours trop. Elle parle fort, se maquille trop. C’est une pétroleuse qui, au fond, n’est pas sûre d’elle. Son domaine de prédilection : le sexe. Au lit, elle se défend comme une reine. Elle ne s’en prive pas. Ses amants en gardent un souvenir ému. C’est une allumeuse qui ne se contente pas d’allumer. C’est elle qui est allée chercher le président. Elle l’a émoustillé en faisant claquer l’élastique de son string. Un truc efficace qui marche à tous les coups. Président ou autre, les hommes sont tous les mêmes ».



ASSOCIATION DE MALFAITEURS

Trois organismes de crédit (Cofidis, Cofinoga et News Banque) ont été condamnés par trois jugements de la 1ère chambre civile du tribunal de grande instance de Nanterre à payer 1 franc de dommages et intérêt à l’Union fédérale des consommateurs (UFC) pour « publicité mensongère ». Espérons que cette peine sévère ne mettra pas en péril la santé de ces entreprises qui, rappelons-le, favorisent la croissance et créent des emplois.



COPINAGE

L’Ornitho numéro 4 vient de sortir. Soyons honnête, je n’ai pas eu le temps de tout lire, mais « Le cercle vertueux de l’inconscience » de l’ami Sinclair et le « Bourdieu ? C’est qui ? » de l’ami ARNO*, méritent bien plus qu’un clic : ils méritent qu’on les imprime. C’est à cela que, sur Internet, on reconnait un bon papier.

Manière d’avouer qu’Internet n’est qu’un moyen de transport moderne pour une lecture archaïque.

PIERRE LAZULY
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