Ce matin, votre marchand de journaux vous propose deux éditions de votre quotidien : la première, au prix normal, contient les publicités habituelles ; l’autre, vendue moitié prix, n’en contient pas. Vous choisissez bien évidemment la seconde ; hélas, pour y avoir droit, vous devez faire auparavant le tour du kiosque à journaux à cloche-pied.
Une situation incensée ? C’est pourtant le cas aujourd’hui pour la plupart des sites Web. Si, pour les médias traditionnels, la publicité a pour effet de limiter le prix de vente (voir la campagne :« sans la publicité, votre quotidien coûterait le prix d’un mensuel »), la situation, sur Internet, est inversée : l’informatique, seule industrie capable de vendre des voitures qui calent, est également capable de faire payer à l’utilisateur les publicités qu’il subit.
Pour qui fréquente les principaux sites d’audience (moteurs de recherche, annuaires, presse en ligne), le fait est connu : le chargement des publicités double, au bas mot, le temps de chargement de la page. Dans le cas des moteurs de recherche, le volume d’information utile est même négligeable par rapport au volume des bandeaux animés des annonceurs ; aussi, la version sans pub d’AltaVista est jusqu’à quatre fois plus rapide que la version classique. Il faut toutefois, pour en profiter, avoir fait plusieurs fois le tour de votre machine à cloche-pied afin d’en connaître les subtilités.
Mais la publicité en ligne n’est pas seulement responsable d’un surplus de trafic : elle préside également au choix des solutions techniques. Aux mécanismes de cache, destinés à limiter les accès distants aux documents les plus fréquemment accédées, elle oppose l’appel systématique aux serveurs des régies publicitaires : il est ainsi possible de connaître le nombre de « spectateurs » pour chaque bandeau, leur efficacité, mais aussi de les adapter à votre profil.
Ce qui ne serait peut-être qu’un inconvénient mineur sur des « autoroutes » dignes de ce nom est rendu inacceptable par l’infrastructure actuelle, en surcharge permanente. Indifférents au sort de l’internaute coincé sur sa vague, des spécialistes un peu niais agrémentent leurs sites Web de plug-ins, d’applets et de publicités dynamiques. Si ça les amuse... Ils déprimeront bien assez vite devant les compteurs de leurs galeries marchandes.
Car devant ce techno-crétinisme, les internautes ont déjà choisi : ils n’attendront trois minutes l’arrivée d’une applet Lustucru. Ils envahissent les forums, goûtent aux charmes des listes de diffusion. Bref, ils quittent l’autoroute.