Je ne voudrais pas semer la panique dans vos assiettes, mais si j’en crois les communiqués réguliers publiés par le ministère de l’Agriculture, la maladie de la vache folle semble décidément avoir pris ses habitudes dans l’Hexagone. Nous fêtions en effet hier notre 52ème cas de vache folle. Les 180 commères qui parcouraient quotidiennement les délicats pâturages de l’Orne en compagnie de l’hystérique ont été, « comme toujours en pareil cas », abattues puis incinérées.
Rassurez-vous, je n’envisage pas le moins du monde de transformer cette chronique en éphéméride des mamelles hystériques et carnet des bovidés suicidés. Je m’étais il est vrai déjà fait l’écho la semaine dernière de deux cas d’encéphalopathie spongiforme bovine, et j’en avais profité pour me gausser du mot d’ordre que, dans un bel élan de patriotisme, les technocrates concernés avaient soufflé au consommateur justement inquiet : « exigez le label Viande française ». A quoi bon en effet exiger un label qui ne garantit plus rien ?
Un mien lecteur avait alors répondu à mon ricanement : « Pour ma part, je me réjouis de savoir que le troupeau entier de bovins ait été abattu et que cela se sache. Cela signifie pour moi que les règles sanitaires existent et, surtout, qu’elles sont appliquées consciencieusement en France. Je n’en ai que plus d’envie d’exiger le label "Viande Française" ! Pas vous ? ».
Eh bien non, pas moi. Parce qu’il en va des vaches comme des êtres humains : on ne passe pas, comme une vulgaire machine, d’un état normal à un état déglingué. La maladie se diffuse, très lentement. On commence très progressivement à perdre la raison, on beugle un peu différemment, que sais-je ?, on écrit des tribunes dans le Figaro. Mais tant qu’aucune vache du troupeau n’a pas été prise en flagrant délit d’hystérie, tant que les apprenties foldingues ne ricanent pas pendant la traite et qu’elles réservent leurs pitreries à leurs seules congénères, un troupeau de vaches délirantes peut tout-à-fait satisfaire un authentique boucher.
Et finir dans votre assiette. Dûment estampillée « Viande Française ». Et néanmoins parfaitement infestée de cellules contaminées. Ceci dit, vous n’en mourrez probablement pas ; et quand bien même vous en mourriez, ce serait dans dix ans. Or le « principe de précaution », appliqué à l’agriculture, dit en substance qu’il est infiniment moins dangereux de laisser aux dirigeants de dans dix ans le soin d’annoncer qu’« à l’époque, on ne pouvait pas savoir » que d’obliger les dirigeants d’aujourd’hui à avouer que les vaches produites par nos toujours très pacifiques éleveurs ne sont pas moins dangereuses que leurs cousines britanniques.
Quant aux nitrates...