Pauvre Jean-Pierre Gaillard ! Lui qui avait attendu la fin du mois d’août pour s’offrir une semaine de vacances en espérant battre enfin Jean-Marc Sylvestre à la pétanque : à peine avait-il quitté la capitale que le CAC 40 s’effondrait. Ah, le pauvre homme ! Lui qui confiait récemment à Libération qu’il ne pouvait s’empêcher de jeter un oeil à la bourse de Tokyo lorsqu’il se levait la nuit pour pisser, cette fois c’est sûr, ses vacances sont gâchées. Même les moules-frites de Berck-Plage auront un arrière-goût de récessionnite.
Le ministre de la Méthode Coué, Dominique Strauss-Kahn, en était presque pathétique, déclarant hier au cours d’un point-presse : « En 1999, la croissance sera forte. Ce sera peut-être 2,8, 2,9 ou 2,7% ». Pauvre homme, pinaillant au sujet d’hypothétiques décimales à la veille d’une récession mondiale. Il se permet pourtant de faire les gros yeux à Boris Eltsine ; un Boris Eltsine qui de toute façon, selon CBS, s’apprêterait à démissionner. Ce qui serait terrible : s’il perd son travail, il risque de se mettre à boire.
Car DSK et son homologue allemand en sont encore aux remèdes FMI : ils appelent dans une lettre les autorités russes à engager des réformes économiques profondes (la fameuse « politique d’austérité »), faute de quoi la communauté internationale n’augmentera pas son aide.
On se souvient pourtant des déclarations de Tchernomyrdine, mardi : « La priorité sera la défense des intérêts sociaux de la population, le paiement des salaires et la politique industrielle de l’Etat, car on ne pourra pas faire sortir la Russie de la crise par des mesures uniquement monétaristes ».
La Banque mondiale vient justement de découvrir qu’il était « louable de rompre avec des politiques restrictives qui ne font qu’aggraver la récession ». Ou fait semblant de le découvrir, maintenant que la crise financière ne peut plus être endiguée par le FMI. Jusqu’ici, celui-ci injectait dans l’économie du pays en crise quelques milliards de francs (provenant des fonds publics des autres états) pour limiter les dégâts occasionnés par des spéculations à haut risque. Privatisation des profits et nationalisations des pertes : une vieille habitude. Aujourd’hui les caisses publiques sont vides, et les investisseurs sont inquiets : le Dow Jones perdait hier 4,1% en fin de séance.
Ils me font marrer, les investisseurs. Ils vous répètent à longueur d’année qu’« investir, c’est prendre des risques », et lorsque justement se profile le risque, ils quittent le navire : ils se défont des actions des leurs merveilleuses entreprises pour se rabattre sur les obligations de cet état archaïque mais tellement rassurant. Bande de lâches !