Les Chroniques du Menteur
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Eloge des flexiborimaires

samedi 18 avril 1998, par Pierre Lazuly

L’imbécile du jour s’appelle Patrick G. J’ai déniché cet intéressant spécimen ultra-libéral sur le Forum de l’Emploi de Wanadoo. Je vous copicolle ci-dessous les arguments de cet idionaute, c’est beau comme du Jean-Marc Sylvestre.

« Les réactionnaires aujourd’hui sont à gauche », écrit Patrick G., avant d’expliquer : « l’homme nouveau est mondialisé, adapté à la concurrence et il regarde vers le haut ce qui lui demande un effort pour l’atteindre et pas vers le bas : les acquis qu’il a obtenus en période de croissance et que l’on n’a plus les moyens de lui maintenir. Le progressiste est libéral : c’est bien dans ces pays où le plein emploi est atteint. Le réactionnaire veut conserver ses avantages sociaux acquis de haute lutte qui sont obsolètes, et pour payer ces avantages là : il fait peser sur le pays une dette qui fera augmenter encore et encore les prélèvements obligatoires, rendant le main d’oeuvre non qualifiée de moins en moins embauchable ».

Délicieuse contradiction de cet âne libéral : « les acquis qu’il a obtenus en période de croissance et que l’on n’a plus les moyens de lui maintenir ». Mais ne sommes-nous pas en période de croissance ? Tous les indicateurs économiques ne sont-ils pas au vert ? S’il est une opinion partagée par l’ensemble des analystes, c’est bien celle-ci. La production des richesses fonctionne à merveille. Seule leur répartition est en panne.

Patrick G. nous propose également sa méthode pour réduire le chômage : « Pour tout essayer vraiment, prenons une seule mesure : réduisons le train de vie de l’Etat de 40 % et dans 3 ans, il n’y aura plus que 400 000 chomeurs. Tous les pays qui ont réduit ce train de vie ou n’ont pas eu besoin de le faire car il était raisonnable ont un chômage dérisoire ».

Mais réduire « le train de vie de l’état » de 40%, dans la bouche d’un libéral, cela signifie limiter le rôle de l’Etat au seul maintien de la sécurité et aux sauvetages financiers. Démanteler ce service public (« archaïque »), réduire nos avantages sociaux (« obsolètes »), créerait donc des millions d’emplois ? Remplacer des fonctionnaires par des flexiborimaires plus productifs permettrait donc d’augmenter le nombre d’actifs ?

A moins que l’on ne considère comme « emploi » toute activité, aussi partielle, aussi misérablement payée soit-elle. L’esclavagisme aussi assurait le plein emploi et des charges sociales tout-à-fait acceptables. L’Angleterre a changé vingt fois en trente ans son mode de calcul du chômage : il est aujourd’hui aux alentours de 5% (« dérisoire »), mais la misère n’a jamais été aussi grande. La progrès, « le miracle anglais », c’est qu’aujourd’hui, les pauvres travaillent. Et leurs enfants aussi - on estime à 500.000 le nombre d’enfants de moins de 13 ans travaillant en Angleterre.

Et c’est ainsi que se fera le grand miracle libéral.

PIERRE LAZULY
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