Les Chroniques du Menteur
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Conte d’automne

vendredi 25 septembre 1998, par Pierre Lazuly

Les dix premières minutes sont comme une signature : aux premières images, à ce jeu d’un autre âge, on reconnait la patte d’Éric Rohmer, le cinéaste archaïque du libertinage contemporain, le spécialiste mondial de la difficulté d’aimer. Alors, on se dit que ce film sera comme les autres : un régal pour les adeptes, et pour les autres, une effroyable prise de tête.

Mais très vite, le rohmérien s’efface. Tout au moins dans sa caricature. Ne demeure alors que la peinture des sentiments, l’intelligence de Rohmer, vieillard incongru filmant toujours, à 78 ans, une quête tout aussi incongrue : celle de l’amour idéal.

« Par quel mystère à la Faust le cinéaste rajeunit-il de film en film ? », s’interroge Michel Boujut dans Charlie. Non seulement Rohmer rajeunit, mais ces films se font plus légers, plus drôles aussi. Une douleur sourde - la solitude - vient se noyer dans la plus grande légèreté. D’admirables acteurs, émouvants quadragénaires pris dans la tourmente de machinations amoureuses dignes d’adolescents.

Comment, quadragénaires ? Ce serait oublier un peu vite la petite amie du fils de Magali, la pétillante Rosie (Alexia Portal). Pour elle, j’irais jusqu’à quitter Virginie Ledoyen. Ce n’est pas rien.



PAS D’ISSUE DE SECOURS

Fébriles. Nul adjectif ne saurait mieux qualifier les places boursières. Un drôle de yoyo, balançant de -10% à +10% en Amérique Latine, au gré des déclarations d’un Greenspan ou d’un Camdessus. Une Bourse de Paris qui ouvre à +3% et finit à -1%. Résumons-nous : les marchés ne savent plus ce qu’ils font. L’ennui, c’est que ce sont nos patrons. Hier, dans la Tribune, on pouvait lire une intéressante revue de presse d’un certain Ivan Levaï :

Quand Alan Greenspan, le président de la Fed, fait savoir qu’il vient de vendre l’essentiel de ses actions, il y a de quoi se faire du mouron.

Quand George Soros envisage froidement dans le Wall Street Journal : « la désintégration du système capitaliste mondial » et rappelle qu’il a perdu, le mois dernier, douze milliards de francs, voilà qui ajoute au mauvais sang. Mais l’on frémit plus encore à la lecture des deux pages que signe Jacques Attali dans Paris Match. « Imaginez, dit-il, les marchés comme une grande salle de bal. Orchestre, buffet, danseurs... Tout le monde est heureux ! Seuls, dans un coin, quelques grincheux remarquent qu’il n’y a pas d’issue de secours ».

Et Attali de filer la métaphore : « Justement une nappe s’enflamme. Puis les rideaux et les tables... Trop tard ! On réalise alors qu’il n’y a ni pompiers pour éteindre le feu, ni policiers pour canaliser la foule. La porte est prise d’assaut. On s’y écrase. On y meurt étouffé ».

Résultats chiffrés de ce mauvais songe d’Attali : « Vingt pays incapables d’honorer les échéances de leur dette au FMI, et la moitié de l’économie mondiale en récession l’année prochaine ! »

Dominique Strauss-Kahn, dans le Nouvel Observateur, s’emploie, mais c’est son rôle, à rassurer les passagers du Titanic. Plus optimiste que DSK, Michel Camdessus, le directeur du FMI, jure au Figaro « que l’Europe est en train de consolider sa reprise ».

Mais comme le dit encore Attali : « Un grand économiste, c’est quelqu’un qui saura très bien expliquer demain pourquoi ce qu’il a prévu hier ne s’est pas produit aujourd’hui ».



UN MILLIARD D’IMBÉCILES

Un milliard de personnes auront un téléphone portable en 2005, a pronostiqué mercredi le géant finlandais des télécoms Nokia. « Une part substantielle des portables vendus cette année-là seront de troisième génération et dotés de fonctions multimédias », a déclaré le PDG du groupe, Jorma Ollila. Actuellement, on estime le nombre total d’imbéciles à 250 millions.

Espérons qu’ils ne finiront pas tous comme ce chinois, condamné à perpétuité à Taiwan pour avoir escroqué les opérateurs téléphoniques de 240.000$ en appelant des services internationaux de téléphone rose, rapporte The China Youth Daily. Il aurait acheté sous de fausses identités plus de 20 mobicartes dans le port de Qingdao afin d’avoir des dialogues clintoniens avec des stagiaires de Shanghai.



JE SUIS UN CLIENT

Record battu mercredi dans ma boîte aux lettres : pas moins de 20 prospectus, du catalogue malins aux prix anniversaires. « Deux Clio achetées, la troisième est gratuite », m’écrivait l’un. « Gagnez votre poids en dentrifrice », m’écrivait un autre. « Soyez plus malin que votre voisin ! », proposait un troisième.

Je fouillai désespérement à la recherche de mon courrier.
Évidemment, je n’en avais pas. Je n’en ai jamais. Je suis un client.

PIERRE LAZULY
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