J’ai honte de l’avouer, mais ce pauvre John-John, jusqu’à la semaine dernière, je n’en avais jamais entendu parler. C’est triste à dire, mais j’ignorais jusqu’à l’existence de ce Kennedy-là.
Ce qu’il faisait dans la vie ? Je n’en ai pas la moindre idée. Ça n’a d’ailleurs aucune espèce d’importance : « Nous savons maintenant, depuis l’affaire Diana, qu’il n’est même plus nécessaire de jouer ou de chanter pour devenir une superstar et qu’il suffit de divorcer et de respirer pour faire pleurnicher deux milliards d’hommes », comme l’écrivait Gilles Châtelet. Pur produit médiatique, John-John Kennedy Magic Junior était en effet, pour reprendre le mot de Vialatte, « célèbre par pure célébrité ». Et c’est ainsi que lundi dernier, pas moins de 12 passionnantes dépêches « Société » lui étaient consacrées.
Telle était, en ce lundi matin, l’actualité de la planète. Faut dire, cette fois, l’Amérique avait enfin trouvé sa Diana. Les services secrets recherchaient activement une Punto blanche volante. Un témoin racontait même sur CNN qu’il avait cru distinguer ce soir-là une dizaine de paparazzis tout verts entassés dans un énorme ULM. Quant à Elton John-John, il fouillait dans son dictionnaire de rimes de quoi rivaliser avec Candle in the Wind. Bref, l’actualité était au recueillement. À la compassion pour les plus grands.
Je ne comprends pas comment une treizième dépêche a pu avoir l’outrecuidance de se glisser à la suite de celles-là. Elle était si anecdotique, cette brève, tellement risible, comparée aux malheurs du petit prince écrasé. Ça n’intéressera sans doute que quelques fêlés, ça méritera au mieux un entrefilet, mais le fait est que « les inondations au Bangladesh affectent (sic) 3 millions d’habitants » et que quatre fleuves du pays continuent toujours de déborder. Et que le bilan pourrait encore s’alourdir en raison de fortes pluies. Le Bangladesh, souvent victime d’inondations, avait déjà subi en 1998 une des pires inondations du siècle, laquelle avait fait plus de 1.200 morts.
On voit par là que pour attirer l’attention mondiale, mieux vaut être un Kennedy qui s’écrase qu’un bengali dans la vase. Vous me direz qu’on ne peut pas faire grand chose contre les aléas du climat. Pourtant, rien n’est moins sûr, si j’en crois mes dernières lectures.
Une réunion internationale sur le climat, à Majuro, capitale des Iles Marshall, a en effet mis en évidence l’impact des récents changements climatiques sur les îles-États des océans Indien et Pacifique et dans la mer des Caraïbes. Alors que la montée du niveau des océans et d’autres effets des changements climatiques ne sont pas attendus chez nous avant cinquante ou cent ans, ailleurs leurs effets néfastes se font sentir dès maintenant.
Une responsable du ministère des Affaires étrangères des Philippines évoquait notamment 1998, « la pire année pour les Philippines », où des typhons de très forte intensité ont détruit des zones entières du pays. De nombreux pays asiatiques, dont la Chine et le Bangladesh, ont également été confrontés à des inondations directement liées aux changements climatiques. Le président des îles Marshall, Imata Kabua, a notamment évoqué le nombre croissant de mini raz-de-marée ayant touché ces îles, dont la plupart sont à peine à un mètre au-dessus du niveau de la mer.
Phillip Weech, président du Comité national des Bahamas pour les changements climatiques, a indiqué de son côté que son pays avait été confronté ces cinq dernières années à une série inhabituelle de tempêtes et de phénomènes climatiques, preuves d’un changement de climat. Il a souligné que, si les phénomènes météorologiques d’El Niño et de La Niña, désastreux pour l’économie de ces îles, étaient bien connus des pays développés, ceux-ci ne prenaient pas pour autant les mesures nécessaires pour réduire ces phénomènes. Les pays développés « doivent reconnaître que leurs émissions sont en augmentation et que leur niveau de vie s’accroît aux dépens de l’environnement », a mesquinement observé M. Weech.
Aussi, Tuiloma Neroni Slade, président de l’Alliance des petites Iles-États (AOSIS) et ambassadeur des Samoa auprès des Nations Unies, a vivement encouragé l’AOSIS à « poursuivre ses efforts pour convaincre les pays industrialisés de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ». Ne doutons pas que les pays industrialisés prêteront l’oreille la plus attentive qui soit aux doléances de l’Alliance des petites Iles-États.
Post-scriptum qui n’a rien à voir
Une petite merveille s’est sournoisement glissée dans la désastreuse programmation estivale de nos salles de ciné. Ça s’appelle « Buena Vista Social Club », et c’est un éblouissant documentaire de Wim Wenders et Ry Cooder sur les légendes vivantes de la musique cubaine (Compay Segundo, Ruben Gonzales, Ibrahim Ferrer...). « Musicalement, c’est un document irréprochable qui donne à entendre ce sensationnel mélange d’improvisation et de rigueur qui, plus d’une fois, fait une oeillade au meilleur du jazz américain. [...] Enfin, et ce n’est pas le moindre de ses charmes, Buena Vista Social Club est un film terriblement humain. Cela tient à la faconde humoriste et émouvante de tous ces « vieux » musiciens (leur découverte de New York est un petit bijou de comédie). Mais aussi à la qualité morale du cinéaste. Cette façon de laisser passer avant lui tous ces bons vivants qui, effectivement, méritaient bien qu’on leur offre discrètement un si joli film ». Entièrement d’accord avec Gérard Lefort.