« Ce fameux 20ème siècle, dont on attend tant de merveilles, est-il enfin venu ou bien faut-il espérer encore douze longs mois ? », s’interrogeait Gaston Gougis dans Le Gaulois, le 1er janvier 1900. « Grave question qui agite les astronomes, le public, voire même les gouvernements », écrivait alors le regretté Gaston, qui distinguait « deux parties irréconciliables », les « mathématiciens logiques » et les « sentimentaux fantaisistes », et prophétisait : « fort probablement, nos arrière-neveux agiteront le même problème en 1999 ».
Il avait bien raison, tonton Gaston : j’ai une furieuse envie d’agiter le problème. Que l’on nous rebatte les oreilles avec l’an 2000, je comprends : l’inconséquence des informaticiens nous y oblige. Que l’on s’extasie sur les festivités préparées pour l’occasion par un certain Yves Mourousi, passe encore : on a parfaitement le droit de s’intéresser à des projets imbéciles. Mais que des animateurs de radio incultes nous servent à longueur de journée du « dernier album de Céline Dion du siècle » ou des « dernières soldes de janvier du millénaire », ça m’énerve presque autant que d’entendre des ministres socialistes faire l’éloge des stocks-options.
Il est vrai que jusqu’à la fin du 18ème, on considérait que les siècles entamaient une nouvelle existence lorsque changeaient les premiers chiffres : 1500, 1600... La querelle ayant brutalement refait surface en 1900, le Vatican avait tranché par un décret fixant au 1er janvier 1901 le premier jour du 20ème siècle.
Ce que confirme le très sérieux Bureau des longitudes : le 21ème siècle verra scientiquement et officiellement le jour le 1er janvier 2001. Et avec lui, le nouveau millénaire. « Le 1er janvier 2000, les gens ne fêteront que la fin des années 1900 », renchérit le directeur du Bureau des longitudes, « il suffit tout bonnement de compter les années comme des pommes dans un panier ».
C’est en effet simple à comprendre (sauf peut-être pour les énergumènes qui sévissent sur les ondes de Chérie FM) : le siècle représente une période de 100 ans. Le premier siècle, qui a débuté le 1er janvier de l’an 1 (l’an 0 n’a jamais existé), s’est terminé le 31 décembre de l’an 100. Par conséquent, le 20ème siècle qui a entamé sa (peu) glorieuse carrière le 1er janvier 1901, rendra l’âme le 31 décembre 2000 pour céder la place le lendemain, 1er janvier 2001, au premier jour du troisième millénaire.
Qu’importe, après tout ? Comme le soulignait avec philosophie le Petit Journal du 9 janvier 1900, la question n’a finalement qu’un intérêt relatif : « les siècles, comme les années qui s’écoulent, ne changent rien à l’ordre naturel des choses de ce monde ». On voit par là combien il est illusoire de les fêter.
Je vous souhaite une excellente année 1999 ; une année que nous passerons à (tenter de) résister ensemble aux assauts de la bêtise furieuse. Et, dans ce domaine, le millésime est des plus prometteurs.