C’est en lisant Robert Castel (« Les métamorphoses de la question sociale ») que j’ai trouvé, et recopié sur mon cahier d’écolier, cette définition de l’homme libéral : « L’homme libéral est un individu rationnel et responsable qui poursuit son intérêt sur la base de relations contractuelles qu’il noue avec autrui ».
Cette définition est des plus objectives : elle satisferait à la fois Alain Madelin et Pierre Bourdieu. Et je crois rester tout aussi objectif en ajoutant qu’« individu qui poursuit son intérêt », c’est précisément la définition d’un égoïste. Quand j’étais petit, ma maman me disait toujours que ce n’était pas bien, d’être égoïste. Hélas, aujourd’hui, force est de constater que l’égoïsme est à la mode. L’égoïsme, c’est le progrès.
Le Premier ministre singapourien le regrette vivement. Goh Chok Tong vient en effet de s’élever contre l’égoïsme de ses concitoyens et d’exhorter ceux-ci à être « particulièrement gentils » les uns envers les autres. En 1996, lors de son discours de Nouvel An, le Premier ministre avait déjà émis l’idée d’une « semaine de la gentillesse » à Singapour, dont les habitants étaient selon lui trop concentrés sur leurs richesses personnelles et pas assez sur leurs qualités humaines.
« Quand le gâteau économique devient plus petit, certains ne pensent plus qu’en terme d’emploi à garder ou d’entreprise à sauver », a expliqué l’honorable Goh Chok Tong. « Pourtant, c’est dans ces moments-là que la gentillesse et la considération sont les plus vitales. Des actes de gentillesse faits en connaissance de cause font de nous des gens meilleurs ».
Opposer la gentillesse et la considération à la concurrence et la compétition, voilà un bien joli programme. Puisse-t-il devenir un jour celui de la Communauté Européenne...
PRÉCISION (suite à la chronique ci-dessus)
Un lecteur bien informé des choses de Singapour me précise que le gouvernement singapourien conduit depuis des années un programme de propagande pour la politesse dans les rues, mais que parallèlement le contrôle social y est extrêmement vigoureux : vidéosurveillance généralisée, etc...
« Je n’ai pas vu une seule rue qui donne un sentiment d’insécurité », confirme d’ailleurs une publicité de l’Office National du Tourisme de Singapour. La gentillesse voulue par Goh Chok Tong ne serait donc qu’une gentillesse de vitrine : « fais un sourire, tu auras des devises ». Un refrain tristement libéral...
LE PÉNIS AFFECTÉ PAR LA CRISE
L’information était révélée par Libération, le 23 octobre : « Si l’on en croit l’urologue brésilien Roberto Trulli, qui étudie la question depuis plusieurs années, la crise économique et la menace du chômage réduisent la taille du pénis en moyenne de 2cm ».
Voilà qui expliquerait la voix dépitée de Jean-Pierre Gaillard lorsque le CAC 40 est « en petite forme », et l’excitation du même lorsque le CAC 40 « se reprend » ou « dépasse un nouveau seuil psychologique ». Voilà qui expliquerait aussi l’obsession d’un Dominique Strauss-Kahn qui ne rêve que d’une croissance de 3%.
Mais le plus amusant dans ce genre d’enquêtes, c’est toujours les enquêteurs. Pensez donc qu’il existe au Brésil un urologue dont le travail, depuis plusieurs années, consiste à mesurer chaque jour le sexe des passants et à reporter ces mesures sur un grand papier millimétré où figure également les fluctuations du Dow Jones. C’est une vie des plus misérables.
EN BREF...
Un artiste italien qui avait pris pour habitude d’exposer ses propres excréments dans des boîtes hermétiques sous le titre « Déjections d’artiste » vient d’obtenir d’un musée de Copenhague la somme de 220.000 francs à titre de dédommagement. La température du musée étant trop élevée, son oeuvre lui avait été rendue « dénaturée ».
Un banquier fraudeur pensait échapper aux photographes qui l’attendaient devant le Tribunal de Londres en portant une perruque, un sac à main et une robe à fleurs. Raté. C’est donc dans cette tenue qu’il a eu le lendemain les honneurs de la presse.
QUAND JE N’ÉCRIS PAS, JE GROSSIS
Vous l’aurez compris, les chroniques font aujourd’hui leur retour. Il serait exagéré de parler d’une nouvelle formule ; disons que les chroniques seront désormais moins fréquentes mais plus travaillées. Ce nouveau rythme de parution devrait me permettre de mener en parallèle d’autres activités journalistiques.
Vous trouverez également sur le site plusieurs recueils de chroniques, sous forme de cahiers thématiques à imprimer. Vous pouvez aussi, avec le concours de Radio-France, écouter en RealAudio les chroniques de l’impayable Jean-Marc Sylvestre.
Je dois enfin vous avouer que la motivation m’est revenue à la lecture de vos derniers courriers. Il fallait sans doute que je suspende les chroniques pour comprendre que je devais les continuer. Vous avez gagné. Ne vous sentez pas pour autant obligés de réagir à chacune de mes chroniques (je serais bien embêté), mais n’hésitez pas à me faire part de vos remarques et des informations croustillantes qui viendraient à passer sous vos yeux...