Le pianiste et compositeur de jazz Michel Petrucciani s’est donc éteint mardi soir à New York, succombant à une infection pulmonaire foudroyante. Il venait tout juste d’avoir 36 ans. « C’était un des grands artistes, un des grands pianistes de jazz du siècle. C’est un monument qui s’écroule, là, c’est clair », déclarait hier un Didier Lockwood sous le choc. « En plus, c’était celui qui drivait un peu le jazz français depuis quelques années maintenant. C’était vraiment pas le moment, quoi. C’était pas le moment qu’il s’en aille comme ça ».
Nombreux sont les hommes politiques qui lui ont rendu hommage hier. Le ministre de l’économie Dominique Strauss-Kahn s’est ému le premier de cette disparition : « Sa mort sera sans doute très durement ressentie par tous ceux qui vivent la musique, mais je crois qu’il ne faut pas céder à la déprime. Selon nos estimations, la croissance ne devrait pas être affectée par cette mort tragique ».
Dominique Strauss-Kahn a toutefois regretté que le pianiste ait attendu le 5 janvier pour s’éteindre : « s’il avait eu la bonne idée de nous quitter le 1er janvier, date symbolique de l’entrée en vigueur de l’euro, nous lui aurions eu le plaisir de verser 100 euros sur son livret d’épargne ».
Mais la réaction la plus attendue était bien évidemment celle des marchés. Heureusement, selon Jean-Pierre Gaillard, ceux-ci ont très bien réagi à la nouvelle : « les marchés appréciaient beaucoup Michel Petrucciani, à qui l’on devait la hausse spectaculaire de 45% du titre Blue Note en septembre 92, mais ils n’ont pas cédé à la déprime. La preuve, les disques Dreyfus étaient en hausse de 37% hier après-midi, les investisseurs anticipant une forte progression du marché des compilations de jazz sur le premier semestre. Une excellente journée, donc, encore, à la Bourse de Paris. Monsieur Petrucciani, je vous remercie ». Telles furent les oraisons funèbres dans les ministères. (Et ne pinaillez pas, la Bourse de Paris n’est au fond qu’un ministère - le plus puissant de nos ministères).
Étrangement, pour Michel Petrucciani, la nuit de mardi allait aussi être la plus belle. Stéphane Grappelli l’attendait là-haut aux côtés de Saint-Pierre pour lui présenter le Duke, que l’on disait impatient. À l’heure où je vous parle, le boeuf continue toujours.
Et nous autres, qui n’entendrons bientôt plus que les miaulements d’une Céline Dion ou d’une Lara Fabian, nous nous prenons à rêver que le Ciel veuille bien nous rendre nos jazzmen en échange de suppôts d’Obispo et de quelques poignées de Pagnys.