Décidément, Laurent Joffrin est en pleine forme. Dans Libération ce matin, tout son talent de chien de garde trouve à s’exprimer : « Que n’a-t-on dit sur les emplois-jeunes ! Faux travailleurs, agents d’ambiance, chaouchs gentillets, brasseurs de vide du jospinisme benêt, pantouflards de l’inutile [...] Un an après, les clichés poujadistes s’estompent. Dans l’Education nationale, le diagnostic est clair. Ils ont trouvé leur place et, par là même, prouvé leur utilité. »
Qui a jamais nié l’utilité que pourrait avoir du personnel supplémentaire dans les écoles ? Jamais les besoins de soutien, qu’il soit éducatif ou social, n’ont été si criants.
Mais est-ce être poujadiste, alors que l’on déplore la progression du travail précaire, de demander à l’Etat de montrer l’exemple, de proposer de vrais contrats et de former des jeunes à un véritable métier ?
Est-ce être poujadiste que de regretter que des emplois-jeunes soient utilisés à la Poste pour habituer les clients aux guichets automatiques, plutôt que d’être formés au métier de postier ?
« Entre le souhaitable et improbable contrat à durée déterminée, droit élémentaire, mais de facto rationné, et le décourageant circuit des stages à répétition, le candidat à l’emploi peut trouver là un sas crédible, propédeutique honorable au monde du travail. »
C’est beau comme du Jean-Marc Sylvestre : « Le souhaitable et improbable contrat à durée déterminée ». Quelle résignation ! Et je ne vous parle même pas de contrat à durée indéterminée : il faut être pragmatique.
Les instituteurs, bien sûr, Manpower pourra bientôt nous en proposer. Pour le moment, l’opinion n’y est pas préparée. On y travaille. Mais en attendant, avouez que les emplois-jeunes, ce n’est déjà pas si mal : « recrutés, comme tous les emplois-jeunes pour satisfaire « des besoins émergents », environ 30 000 aides-éducateurs sont déjà en place dans les écoles primaires. Ils sont payés au Smic, soit 5 200 francs net pour un service théorique de 39 heures ».
Même Manpower ne fait pas mieux pour des BAC+2.
Et lorsque ces jeunes se retrouveront, cinq ans plus tard, sur le marché du travail, vous verrez qu’ils se verront répondre qu’« ils ne connaissent rien des réalités du monde de l’entreprise ». Dur dur d’être un éducateur flexible.
« Un premier point décisif, en effet, est acquis : on craignait les faux emplois ; on débouche sur un vrai travail », conclut avec brio Laurent Joffrin.
C’est sûr : si on ne se soucie ni de la durée du contrat, ni du salaire, ni de l’absence de formation, on peut y voir « un vrai travail ».