J’ai eu le malheur de faire réparer mon auto chez un concessionnaire Renault, et non chez mon petit garagiste habituel. Bien mal m’en prit. Non que le dit concessionnaire ait abîmé ma voiture, non, c’est bien pire : je suis devenu un client Renault.
Et ça n’a pas raté : une semaine plus tard, mon téléphone sonnait déjà. « Renault effectue une enquête de satisfaction auprès de ses clients », m’informait la voix mielleuse d’une interlocutrice flexible.
« Je serais satisfait si Renault ne me dérangerait pas chez moi avec des enquêtes à la con », ai-je répondu un peu sèchement, avant d’être soudain pris de remords. J’aurais aimé accueillir plus gentiment cette pauvre opératrice qui n’y était vraiment pour rien, mais c’était plus fort que moi : je hais les enquêtes de satisfaction.
Je ne sais pas vous mais moi, lorsque le garagiste oublie de remettre de l’huile après avoir fait ma vidange, lorsqu’un Airbus s’écrase et que je suis à l’intérieur, ou que France Inter commence son journal par l’annonce des joueurs sélectionnés pour un match amical, je fais savoir mon mécontentement (pour France Inter, n’hésitez pas, c’est redacinter@radio-france.fr). Je me fends alors d’un courrier assassin, et un obscur directeur m’assure quelques jours plus tard de toute sa compassion et m’offre parfois même un bon de réduction (pour France Inter, par contre, ça ne marche pas).
L’enquête de satisfaction, c’est infiniment plus pervers. Il s’agit
d’amplifier à l’extrême le moindre désagrément, de donner libre cours
à votre mesquinerie de client :
« Et le garagiste, il a été gentil-gentil ou gentil tout court ? »
« Gentil tout court. Il m’a semblé qu’il se moquait un peu de moi. »
« Oh le vilain. On va vous le changer, ne vous inquiétez pas. »
« Oh merci madame ! C’est vrai, c’est pas gentil les gens qui se
moquent de leurs clients. Moi j’aime mieux avoir raison. »
« Mais vous avez toujours raison ! »
« C’est vrai, j’oubliais. Au revoir, madame. »
« Au revoir, cher client. »