Quand trois jeunes des cités explosent deux Abribus, c’est un signe alarmant de l’« insécurité » dans les banlieues. Quand une cinquantaine de zoulous déchiquètent une rame de RER, la presse parle de « menace de guerre civile ». Mais quand des dizaines de paysans détruisent les installations d’une ligne de TGV, jusqu’à paralyser le trafic ferroviaire vers l’ouest de la France, c’est une « manifestation de colère des producteurs de choux-fleurs ». Tel était le constat de François Camé dans Charlie Hebdo, mercredi dernier. On ne saurait lui donner tort.
Les producteurs bretons ont donc obtenu une enveloppe de 50 millions de francs qui sera - je vous le donne en mille : « attribuée au cas par cas ». On s’en serait douté. C’est la nouvelle politique de gauche : « le cas par cas ». Les valeurs indécises. L’égalité à la tête du client. Remarquez, c’est toujours mieux que l’inégalité pour tous, la « démocratie libérale » du bouffon de Redon.
N’empêche que si les chômeurs avaient des tracteurs, on réhausserait vite fait leurs indemnités. Et si les chômeurs avaient des choux-fleurs, il faudrait bien les écouter. Parce qu’ils ne bloqueraient pas que Morlaix.
Quoique. Même avec un tracteur, il serait bien embêté, le chômeur. Il ne saurait pas vraiment où aller. Il ne connaît pas ses trois millions de collègues. Il se sent pourtant comme un producteur de choux-fleurs, le chômeur. Comme l’agriculteur de Morlaix, il veut vivre décemment de son travail. Est-ce sa faute, s’il n’en a pas ? Et contre qui se retourner ? La responsabilité est trop diffuse. La dure loi de la concurrence, la toute-puissance du client, c’est un peu sa faute à lui, sa responsabilité du samedi, quand il devient le client hagard d’un Géant de banlieue.
Et c’est ainsi que se fera le grand miracle libéral.