Les Chroniques du Menteur
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Je n’ai pas vu Titanic

dimanche 5 avril 1998, par Pierre Lazuly

Ce n’est pas pour me vanter, mais je n’ai pas vu Titanic. Plus de 13 millions d’entrées, m’annonce « Télérama », et moi, prétendu cinéphile, je ne me suis toujours pas déplacé. Il semblerait pourtant que ce soit un film formidable, « Le Monde » l’encense, Gérard Lefort le défend avec verve dans « Libé », et même « le Masque et la Plume », dont j’attendais une critique acerbe, fut-elle teintée de mauvaise foi, même « le Masque et la Plume » en dit le plus grand bien.

« Eh bien, raison de plus pour aller le voir, chroniqueur acariâtre ! » me direz-vous. C’est vrai. Pour une fois que tout le monde s’accorde à penser qu’un film est un chef-d’oeuvre, c’est complètement idiot de ne point aller le voir - ne serait-ce que pour avoir de bonnes raisons d’en dire du mal. Certes, certes. Mais ce qui me dérange, ce n’est pas trop que les américains recommencent à faire de bons films (enfin, gardons-nous de généraliser trop vite), et dans un sens, le fait qu’un succès commercial revienne à un bon film est plutôt une bonne nouvelle. Non, ce qui me dérange, c’est cette certaine tendance au cinéma de marché.

Ca m’avait déjà prodigieusement énervé avec « On connait la chanson », « Deconstructing Harry » - qui sont certes d’excellents films - mais qui obtiennent le statut médiatique de film de la semaine, et deviennent ainsi l’invité d’honneur des pages culturelles voire des unes de tous les hebdos, ont leur passage assuré au 20h, chez Delarue, Drucker et consorts.

La « sortie de la semaine » devient le film qu’« il faut avoir vu » et celui que, naturellement, les gens voient. Toutes les ruses sont bonnes - et dépasser des records budgétaire en est une - et force est de constater que cela paie.

J’aime beaucoup Azéma, j’adore Luchini. Mais je répugne à les voir, précisément cette semaine-là, cette semaine où ils ne sont plus que VRP de luxe. Je veux les voir ailleurs, un autre jour, je veux voir Luchini servir ces bons mots à un véritable public, et non perdu là, sur un plateau, répondant à l’appel d’un sot.

PIERRE LAZULY
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