Ecouter RFM, c’est un peu comme vivre dans un grand sac plastique : c’est assez réconfortant, plutôt chaleureux et singulièrement coupé du monde extérieur. Oh, bien sûr, on vous en parle parfois, du monde extérieur : ça s’appelle alors « Le monde en 80 secondes » (le titre dénotant à lui seul l’importance relative du monde pour les habitants du sac plastique).
Mais RFM se veut aussi une radio culturelle : « RFM, la radio du cinéma » nous répète-t-on souvent, pour la bonne raison qu’une certaine Elisabeth Cain vient chaque soir à 18h30 nous entretenir deux minutes du film à ne surtout pas rater. Dans la même lignée, un certain Jean Béguin, au moyen d’une chronique libraire (je n’oserais dire littéraire), fait de RFM la radio des plus beaux livres, des plus beaux auditeurs, des plus beaux artichauts...
N’allez pas croire que j’en veuille particulièrement à RFM : je pourrais aussi bien évoquer le « 2 minutes infos » de Chérie FM (c’est tout de même un peu mieux que 80 secondes) ou le « 2 minutes stars ». Le syndrome RFM touche en réalité tous les réseaux musicaux, étant entendu que l’auditeur type zappe après deux minutes de parlotte qui le fatiguent ou trois minutes d’une chanson qui le laisse froid. Dans un univers musical des plus restreints (500 titres, guère plus) aux savantes alchimies informatiques, nulle place pour la découverte si ce n’est celle du quota de nouveaux « talents » dicté par les lois Carignon.
L’ennui des animateurs suinte à l’antenne. Pensez donc : ces « interventions recommandées » par l’ordinateur qui établit la programmation, et ces petites fiches, qui vous demandent d’annoncer telle chose qui s’écoutera ici, telle chose qui s’achètera ailleurs. On vous annonce les prochains titres à venir ? Vous avez exactement trois minutes devant vous pour aller voir ailleurs, le temps d’un décrochage publicitaire. On vous parle ? C’est vraisemblablement pour vous annoncer la sortie d’une nouvelle compilation ou d’un nouveau film américain avec son lot de tee-shirts et de casquettes.
Quiconque a séjourné quelque temps dans un sac plastique pourra vous le confirmer : le principal inconvénient, c’est qu’on y étouffe. Loin des Delli Fiori, Alain Poulanges, Georges Lang et tant d’anonymes qui s’échinent encore à faire rimer radio et découverte, les pionniers de la FM, ceux-là même qui au début des années 80 refaisaient le monde dans un studio-salle de bains, règnent désormais sur de grands médias mous et participent activement au décervelage national.