Les Chroniques du Menteur
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Plus branché que moi, tu meurs

jeudi 3 juin 1999, par Pierre Lazuly

Deux nouvelles études scientifiques ont montré que l’utilisation de téléphones portables pourrait favoriser le développement de tumeurs cancéreuses du cerveau », rapportait l’AFP le lundi 24 mai. Le lendemain, dans Libé, on retrouvait la même dépêche légèrement réécrite (ce qui est le cas bien souvent), mais surtout assez subtilement réécrite.

L’AFP donnait en effet cette information : « L’une de ces études, menée par un cancérologue suédois de renom, le dr Lennart Hardell, conclut que le risque de tumeur du cerveau est multiplié par près de 2,5 en cas d’utilisation d’un téléphone portable et plaide, pour y remédier, en faveur de la vente d’appareils à faible niveau de radiation. « Il faut que nous utilisions des portables à faible niveau d’émission pour le cerveau. Nous devons également être prudents quant à l’utilisation des téléphones par les enfants et les jeunes adultes ». »

Ce qui, dans Libé, devenait : « Le premier travail a été mené par un cancérologue suédois, Lennart Hardell. Ce chercheur conclut que « le risque de tumeur du cerveau est multiplié par près de 2,5 en cas d’utilisation d’un téléphone portable ». Et il ajoute : « Il faut que nous utilisions des portables à faible niveau d’émission pour le cerveau. » »

Curieusement, en passant de l’AFP à Libé, ce cher cancérologue suédois avait perdu sa renommée et oubliait de mettre en garde contre l’utilisation des téléphones par les enfants et les jeunes adultes. Surtout : « une étude menée par un cancérologue suédois de renom conclut que » devenait « le premier travail a été mené par un cancérologue suédois. Ce chercheur conclut que ». Ce qui n’est pas tout-à-fait la même chose. Mais que voulez-vous, les opérateurs sont de loin les meilleurs annonceurs.

L’enquête de la BBC faisait également état d’une deuxième étude réalisée aux Etats-Unis, révèlant une augmentation du risque de développement d’une rare tumeur du cerveau. « Nous avons des résultats qui suggèrent clairement qu’il pourrait y avoir quelque chose de plus grave que ce l’on pensait », expliquait à la BBC le responsable de cette étude. « Il pourrait y avoir un problème qui mérite d’être examiné de manière très, très attentive », ajoutait-il. (Libé ne garda qu’un « très »).

Une autre expérience, menée à l’université de Bristol sur 36 adultes exposés pendant 20 à 30 minutes à des radiations, montrait aussi que la capacité des cobayes à faire des choix (une fonction commandée par le cortex visuel) était altérée au terme de la séance. « Il faut limiter l’exposition (au téléphone portable) au minimum », en concluait le chercheur responsable de ces travaux, le Dr Alan Preece.

C’est le bon sens même : en attendant de connaître avec certitude les risques encourus, limiter l’exposition au téléphone portable et être prudent quant à l’utilisation des téléphones par les enfants et les jeunes adultes ne serait pas forcément le choix le plus idiot.

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Les opérateurs ont évidemment aussitôt répliqué à ces études : « Si l’on considère l’ensemble des travaux dont nous disposons sur le sujet, il n’y a pas de raison de s’inquiéter », a déclaré le responsable de la fédération anglaise de l’industrie électronique. Sans doute un copain du responsable de la fédération anglaise des farines animales. Le beau-frère du responsable de la fédération belge des producteurs de dioxine. Un membre éminent de la (très accueillante) fédération des inconscients.

J’ajoute, pour être tout-à-fait complet, qu’un avion de ligne a largué mercredi le contenu de sa fosse « d’aisance » sur la piscine publique découverte de Goettingen. Bien sûr, ce n’est pas la Seine, ce n’est pas le bois de Vincennes, mais c’est bien joli tout de même, Goettingen. « La matière brune, lâchée à quelques milliers de mètres d’altitude, s’est ainsi abattue en pluie fine sur les baigneurs et leurs vêtements étendus sur l’herbe », rapporte avec poésie l’AFP. Depuis, c’est la mélancolie même, à Goettingen, à Goettingen.

PIERRE LAZULY
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