L’autre jour, dans un bistrot, l’envie me prit d’appeler une jeune demoiselle que j’aime beaucoup - trop, sans doute. A mes côtés, il y avait un « Point Phone », brave téléphone à pièces planté au milieu du troquet. Ce doit être mon côté archaïque, mais l’idée que tout le troquet soit informé de ma vie sentimentale me gênait terriblement. Je ne suis décidément pas mûr pour la téléphonie mobile.
Les mobiles s’enrichissent de fonctionnalités merveilleuses, pourtant. Tenez, une publicité relevée dans la presse (je cite) : « Pour appeler votre maman, il vous suffit de dire maman, et le numéro se fait automatiquement. Vous pouvez même le crier ! ». Avec un peu de chance, on verra des hommes d’affaire crier « maman ! » dans leurs portables pour qu’elle les console lorsque le CAC 40 s’effondrera.
Ceci dit, la reconnaissance vocale, ça n’a rien de nouveau. Non, la véritable innovation viendra des portables multimédia. On n’en vend pas encore, essentiellement parce qu’il faut d’abord avoir vendu un parc complet de téléphones avant de décréter qu’il est archaïque et qu’il faut le remplacer. Mais dans deux ans, soyez-en sûr, on y sera.
En attendant, et vous serez ravi de l’apprendre, un gentil constructeur propose un nouveau modèle qui vous permet - ô merveille - de lire votre courrier électronique et de recevoir des fax.
Je ne sais pas vous mais moi, je suis sceptique. Avec un écran de 4 lignes de 12 caracteres, ca ne va pas être simple pour lire des chroniques. Ca doit être pour les imbéciles dont les mails se résument à quelques « coucou chérie » quotidiens. Tenez, justement, mon collegue de bureau (figure emblématique de mon univers houellebecquien) vient de déclarer d’un air satisfait : « J’ai une copine qui a un portable relié à Itineris. Je peux lui envoyer un mail, c’est génial. »
Je suis prêt à parier qu’il va lui envoyer un « coucou catherine ». C’est génial. Et puis en plus, ça évite de parler.
Je terminerai par cette histoire authentique qui se déroule en Allemagne, sur le bord d’une autoroute. Un couple tombe en panne de voiture, s’arrête, et remarque un type braillant sa vie privée dans son téléphone portable. Ca dure longtemps. Sa vie sentimentale semble extrêmement riche. L’imbécile raccroche (enfin, façon de parler) sur un « je t’embrasse » terriblement romantique. Le couple lui demande alors s’il peut utiliser le téléphone pour appeler un dépanneur. « Nan », répond l’imbécile. Le couple propose de payer largement la communication. « Nan », persiste l’imbécile. Le couple s’énerve, demande des explications. Et l’imbécile d’avouer, soudain honteux : « c’est un faux ».