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Quand je pense aux boys band

lundi 27 avril 1998, par Pierre Lazuly

Je ne sais pas ce que vous faites de vos soirées, mais moi, je regarde TF1. C’est drôlement bien, TF1. Surtout samedi dernier : c’était l’anniversaire de la mort de Claude François, avec Jean-Pierre Foucault et tout plein de claudettes masculines. On appelle ça des boys bands. La semaine, ça chante des niaiseries dans les supermarchés et le week-end, ça vient parler d’un mort célèbre avec Jean-Pierre Foucault. C’est très à la mode. Ils vont généralement par quatre, comme des Beatles sans talent. Epilés, décervelés et asexués, ils sont complètement inoffensifs.

Le premier d’entre eux avait les cheveux bleus. Ce brave Jean-Pierre, naturellement, s’en est étonné, et le Schtroumpf imberbe lui a expliqué : « C’est un délire. Je me suis teint les cheveux en bleu, en hommage à Claude François ». Je ne savais pas que Claude François avait les cheveux bleus. Il faut dire qu’à l’époque, on avait une télé noir et blanc, alors Claude François pouvait bien avoir les cheveux bleus, Dutronc les cheveux verts et les Beatles les cheveux jaunes, on n’y voyait que du feu. Mais les boys bands, on ne leur fait pas. Ils savent bien que Claude François avait les cheveux bleus. C’est un peu leur culture, à ces gens-là.

Le deuxième mannequin prépubère ne cachait d’ailleurs pas son émotion de participer à un si bel hommage : « Si un jour tu m’aurais dit que j’aurais fait Claude François... », a-t-il balbutié. Il n’y a eu naturellement personne pour le reprendre. Et puis d’abord, même si ils auraient lu tous les livres, ils auraient pas été plus meilleurs pour causer dans le poste.

Le troisième était le théoricien du groupe. C’est comme ça, dans les boys bands : il y en a toujours un qui a été jusqu’au certificat d’études et qui fait rien qu’à la ramener. « Je pense que Claude François a été le précurseur des boys bands », a-t-il déclaré. J’ai du mal à voir pourquoi. Que Claude François ait été le précurseur d’un tas de choses, je veux bien vous l’accorder. Du ridicule, par exemple. Mais des boys bands, non vraiment, je ne vois pas. Comment ce bouffon aux cheveux bleus pourrait-il être le précurseur de nos flatulants quatuors imberbes ?

Le quatrième pantin ne savait pas encore parler. Il semblait être du même avis que le théoricien. Il riait comme un âne, en attendant la publicité. Vous marrez pas, il gagne largement plus que votre salaire mensuel en une seule soirée. Et il est à peine plus ridicule que vous.

« Restez avec nous », explique Jean-Pierre Foucault, « après la pub, il y aura une surprise ». Je regarde d’un air distrait les objets que je suis censé acquérir la semaine prochaine. Il y a là pêle-mêle un album de Gérard Lenorman, des crèmes au caramel et une voiture à un prix exceptionnel. Les voitures sont toujours vendues à un prix exceptionnel. Gérard Lenorman aussi est à un prix exceptionnel. Personne n’irait acheter son CD à un prix normal. Personne n’aurait d’ailleurs l’idée d’acheter son CD du tout. Il n’a même pas les cheveux bleus. Il n’est même pas le précurseur des boys band. La ménagère de moins de 50 ans rêve pourtant de manger une crème caramel aux côtés de Gérard Lenorman dans une voiture à un prix exceptionnel. Tels sont les effets de la publicité.

Arrive enfin la surprise tant attendue. La surprise s’appelle Vincent Lagaf’, et va nous interpréter « Comme d’habitude » de Claude François. Je ne savais pas que Lagaf’ chantait. Lui non plus, apparemment, mais Florent Pagny est retenu pour un nocturne Auchan. Je vous aurais bien raconté la suite, mais j’avais déjà zappé.

PIERRE LAZULY
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